Lorsque je suis entré au bloc opératoire pour ma première intervention, je ne me doutais pas que j’allais vivre une expérience qui bouleverserait ma perception de la vie… et de la mort. À peine allongé sur la table, mon cœur a cessé de battre. Une première fois. Tout s’est arrêté. Puis, tout a commencé.
Je ne peux pas dire avec certitude si j’ai vu cette fameuse lumière dont tant de récits parlent, mais j’ai été transporté ailleurs. Un espace à la fois lumineux et chaleureux, une bulle hors du temps. Je n’étais pas seul. Autour de moi, des visages familiers. Des êtres chers, disparus depuis longtemps, mais si présents à cet instant. Ils m’ont parlé, rassuré. « Tout ira bien. »
Puis, le noir. Un retour brutal. Mais l’histoire n’était pas finie. Pendant l’opération, une seconde fois, mon cœur s’est arrêté. Une seconde fois, j’ai traversé ce voile. Là encore, pas de peur. Juste cette sensation de paix absolue, ce refuge où rien ne peut nous atteindre. Je ne saurais dire si j’ai revu mes proches lors de ce second voyage ou si le temps lui-même n’avait plus d’importance.
Depuis, cette expérience vit en moi. Le son de leurs voix résonne encore, jour et nuit, comme un écho gravé au plus profond de mon être. Souvent, en fermant les yeux, l’envie me prend d’y retourner. Non pas par rejet du monde, mais parce que là-bas, tout était doux, calme… éternel.
Avant, la mort m’effrayait. Aujourd’hui, je n’ai plus peur. Je sais que de l’autre côté, il y a quelque chose. Un endroit où tout est paisible, où il y a de la place pour chacun de nous.
Souvent, on cherche à donner un sens à la vie.
Mais après avoir franchi les portes de la mort, j’ai compris que le vrai miracle, ce n’est pas de survivre…
C’est d’avoir entrevu l’infini, et d’en être revenu transformé.
Voyage au-delà de la lumière
Comme je l’ai déjà évoqué, lors de ce voyage dans l’autre monde, j’ai côtoyé des êtres chers qui avaient tous quitté ce monde… enfin, presque tous ! Car une âme, encore suspendue entre deux réalités, est venue troubler ce périple hors du corps et rendre cette expérience encore plus bouleversante, encore plus extraordinaire qu’elle ne l’était déjà.
Ces présences m’ont accueilli dans une clarté sans forme, leurs contours étaient flous, comme des souffles d’énergie vibrant dans l’éther. Leur langage n’était pas fait de mots, mais de vagues de sons et d’émotions, semblables à un océan de lumière qui murmure et résonne dans l’âme.
C’est alors que, pendant ces quelques minutes où mon cœur et mon corps se sont tus, j’ai rencontré chacun d’eux…
Mon père
Celui qui m’avait presque abandonné dès ma naissance, que je n’avais vu que cinq fois dans ma vie, fut le premier à m’attendre là-bas.
Sa présence, silencieuse et grave, semblait dictée par un lien ancestral — celui du sang et du destin. Peu de mots ont franchi ses lèvres, mais son regard portait la force de tout ce qu’il n’avait jamais su dire. Il était là, non par choix, mais parce que quelque chose, au-delà de la vie, l’y obligeait.
Kamikaz, mon chat
Mon fidèle compagnon, mon ami à quatre pattes pendant douze années, surgit à son tour.
Et soudain, le langage entre l’homme et l’animal devint clair comme le cristal. Ses « miaou » vibraient dans mon cœur comme une chanson familière. Il me réconfortait, me caressait de sa présence, m’inondait de ronronnements d’amour. Dans cette immensité d’inconnu, il me faisait comprendre que je n’étais pas seul — qu’une vague de douceur m’accompagnerait à travers les portes de ce nouveau monde.
Nicolas, mon ami
Lui avait choisi de partir avant l’heure, volontairement. Et pourtant, là-haut, il semblait apaisé, presque lumineux.
Il est venu à ma rencontre avec un calme que je ne lui avais jamais connu. Ses mots étaient simples, mais porteurs d’une vérité immense : « Ici, tout va bien. »
Comme si, dans ce lieu de silence et de paix, il était devenu un guide à son tour — un frère d’âme m’accueillant dans cette mission nouvelle, entre les mondes.
Gisèle, ma grand-maman maternelle
Celle qui fut mon pilier, ma tendresse d’enfance, le roc de ma mère seule.
Je la revis telle que je l’avais connue : forte, droite, protectrice. Mais son regard, empreint d’amour, se durcit dès qu’elle me vit.
« Non, » dit-elle avec cette autorité bienveillante que je connaissais si bien, « ce n’est pas ton heure. Tu dois retourner là-bas. Ta mission n’est pas terminée. Ta mère a encore besoin de toi. »
Ses mots résonnèrent comme une injonction céleste. Elle me repoussa doucement, mais fermement, vers la vie.
Pauline, ma grand-maman paternelle
Son accueil fut différent, empreint d’une sérénité presque divine. Très croyante, elle rayonnait d’une lumière paisible.
Elle me sourit, posa sur moi un regard plein d’amour et me dit : « Ne crains rien, tout ira bien. Ici, il n’y a plus de souffrance. »
Mais ce qui rend cette rencontre unique… c’est qu’elle, contrairement aux autres, n’était pas encore morte.
Au moment de mon expérience, elle se trouvait dans un lit d’hôpital, très affaiblie, presque entre deux mondes.
Pendant que je sombrais dans le coma, elle, elle s’éteignait lentement.
Et au septième jour — ce même jour où mes proches tentaient encore de me réveiller — elle ouvrit les yeux, demanda d’une voix claire :
« Est-ce qu’il va bien ? »
Sans savoir ce qui m’était arrivé, sans qu’on ait pu lui dire. On la rassura : oui, j’allais bien.
Alors, paisiblement, elle referma les yeux… et s’endormit pour toujours.
Le lendemain, je repris conscience.
Je n’appris sa mort que deux semaines après ma sortie du coma. Mais je ne ressentis ni chagrin, ni effondrement.
Car je savais déjà.
Je l’avais vue, dans la lumière. Nous nous étions dit adieu — ou plutôt, à bientôt.
Le deuil, je l’avais vécu là-bas, au moment où j’ai compris que de l’autre côté, nous sommes bien.
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